On doit au journaliste Walter Lippman le concept de « Guerre Froide ». Popularisé dès 1947 pour qualifier la situation de tension sans affrontement direct qui oppose les deux blocs (américain et soviétique), elle est utilisée pour décrire les relations internationales entre 1947 et 1989.
A) Une confrontation entre deux blocs
La fin de la Seconde Guerre mondiale est très rapidement marquée par la montée de l'expansionnisme russe sur les pays récemment libérés. Elle s'accompagne de larupture de la Grande Alliance conclue par les Etats-Unis et la Russie contre Hitler. Les rivalités entre les « deux Grands » comme on va désormais les appeler, s'accompagnent d'un surarmement. L'opposition prend rapidement une tournure idéologique.
a) Une confrontation idéologique :
L'URSS se réclame de l'idéologie marxiste-léniniste ou du communisme (Marx et Lénine) et règne sur les pays de l'Europe orientales baptisés « Pays frères ». Autoproclamé « démocratique » et « progressiste », le régime totalitaire russe combat les « réactionnaires » de l'Occident capitaliste.
En face, les Etats-Unis promoteurs d'un libéralisme hérité des Lumières se présentent comme les défenseurs de la démocratie, qui font de la liberté individuelle ou du capitalisme des valeurs dominantes.
b) Deux blocs antagonistes :
Dès 1947, le président américain, Harry Truman décide de soutenir économiquement et financièrement les pays qui résistent au communisme (doctrine Truman). C'est l'objectif de l'aide à la reconstruction (dons, subventions) proposée la même année dans le cadre plan Marshall aux pays européens. En 1949, l'Alliance Atlantique (OTAN) voit le jour.
L'URSS réplique par la création du pacte de Varsovie en 1955 et la mise en place de la « doctrine Jdanov » qui instaure un contrôle étroit sur les Etats communistes voisins.
c) Un monde bipolaire : le monde est coupé en deux blocs séparés par le rideau de fer, dont la propagande est finalement la principale arme. Les deux Grands dont la concurrence s'exerce à tous les niveaux, militaire, économique, mais aussi scientifique ou sportive, instaurent, par crainte d'une guerre nucléaire un certain « équilibre des pouvoirs ».
Le terme bloc implique un système très monolithique où les alliés de chacun des deux Grands, n'ont que très peu de marge de manœuvre. Ainsi, un bloc n'intervient jamais dans la sphère de l'autre. C'est pourquoi, les Américains laissent les Russes rétablir l'ordre à Budapest (Hongrie) en 1956 ou à Prague (Tchécoslovaquie) en 1968.
B) Des crises régionales :
Toutefois, cette absence de conflit frontal n'empêche pas la cristallisation de tensions dans des conflits régionaux (essentiellement l'Asie et l'Afrique), où la confrontation est indirecte. Les interventions directes des armées hors de leur bloc sont très rares : il s'agit de l'engagement des Etats-Unis au Vietnam et de l'URSS en Afghanistan (1979).
Trois périodes - La Guerre froide se distingue en trois phases principales:
-1) une première phase particulièrement violente (1947-1953) avec le blocus de Berlin et la guerre de Corée ;
-2) la coexistence pacifique (1953-1963) à partir de la mort de Staline, remplacé par Khrouchtchev ;
-3) un retour à une tension importante (2e crise de Berlin, crise de Cuba) en 1962-1963, puis la Détente (1963-1975) marquée par la volonté de limiter la course à l'armement.
Trois lieux cristallisent particulièrement cette tension :
a) Berlin au cœur de la confrontation Est-Ouest
Tout au long de la période, l'Allemagne et Berlin sont le théâtre privilégié de l'affrontement entre les deux blocs.
1- La première crise de Berlin (1948-1949)
Les accords de Postdam (2 août 1945) scellent la division de l'Allemagne entre quatre zones (russe à l'Est, américaine au Sud, française au Sud-Ouest et britannique au Nord-Ouest). Berlin, située en zone russe, bénéficie d'un statut spécial quadripartite.
Alors que la France craint la reconstitution d'un Etat allemand, et Américains et Britanniques la main mise communiste, l'écart se creuse entre les trois zones occidentales avec la zone soviétique où s'impose le SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands). Après la fusion des trois zones occidentales en 1948, les Occidentaux annoncent la création d'une monnaie unique, le Deutsche Mark, dénoncée par les Russes comme contraire aux accords de Postdam. Ils réagissent le 24 juin 1948 par le blocus de Berlin. Mais le président américain Harry Truman fait ravitailler Berlin-Ouest par un pont aérien et Staline lève le blocus le 12 mai 1949.
Cette première crise de Berlin accélère la séparation en deux Etats :
-la RFA (République fédérale d'Allemagne) se dote d'une Loi fondamentale le 23 mai 49 et d'une capitale, Bonn et elle intègre le bloc occidental.
-En réaction, la RDA (République démocratique allemande) est proclamée le 7 octobre 1949. Elle a Berlin-Est pour capitale et rejoint le bloc soviétique.
2- La deuxième crise de Berlin (1958-1961)
Dans les années 50, le contraste entre la prospérité de Berlin Ouest « vitrine de l'Ouest », aidée par les Américains et sa partie orientale s'accentue. Le 16 juin 53, la révolte des ouvriers du bâtiment de Berlin Est qui protestent contre leurs conditions de travail est écrasée par les chars de Moscou. Bilan : 500 morts. C'est la limite du « Dégel » lancée par Khrouchtchev. En réaction à la répression, l'exode des Allemands de l'Est vers la RFA via Berlin s'accélère (3 millions de personnes entre 1949 et 1961).
3- La construction du Mur
Décidé à enrayer l'hémorragie, le 27 novembre 1958, Nikita Khrouchtchev lance un ultimatum aux Occidentaux : le rattachement dans les 6 mois de Berlin Ouest à la RDA ou sa transformation en une zone neutre démilitarisée sous contrôle de l'ONU. En cas de refus, il menace de signer une paix séparée avec la RDA (Etat non reconnue) à qui il donne le contrôle de Berlin. Face à l'échec des négociations (Kennedy est inflexible), il lance dans la nuit du 12 au 13 août 1961 la construction du Mur qui sépare la ville en deux.
Présenté par les dirigeants de Berlin-Est comme « un rempart anti-fasciste », il est dénoncé à l'Ouest comme le « mur de la honte », symbole d'une ville transformée en prison.
4- La normalisation et la chute
Dans les années 60-70, la Détente (63-75) et l'Ostpolitik lancée en 1969 par Willy Brandt, le chancelier de la RFA, contribuent à un certain apaisement des relations. En 1971, les quatre puissances occupant Berlin réaffirment son statut particulier. Le mur ne fait plus scandale...
En 1989, sous Gorbatchev, les démocraties populaires sont désormais libres de choisir leur destin. Des milliers d'Allemands de l'Est profitent de l'ouverture du rideau de fer par la Hongrie à la frontière allemande pour fuir. Le gouvernement annonce le 9 novembre 1989 l'ouverture du mur que des manifestants ont commencé à abattre. Sa chute devient le symbole de la fin de la Guerre Froide. L'Allemagne est réunifiée le 3 octobre 1990.
b) Cuba : la crise des fusées (1962)
1- Cuba : un régime communiste à la barbe des Américains
Fidel Castro, qui en 1959 renverse la dictature de Battista à la solde des Américains (base militaire de Guantanamo et exploitations sucrières), se réclame du socialisme puis du communisme face à l'hostilité croissante de Washington. Les Etats-Unis voient en effet d'un mauvais œil la réforme agraire et la nationalisation de la canne à sucre qui remettent en cause ses intérêts économiques.
2- Le fiasco de la Baie des cochons
En avril 61, la CIA orchestre le débarquement de 1 500 combattants anti-castristes dans la Baie des cochons.L'opération destinée à renverser le régime castriste est un échec complet. Les Etats-Unis déclarent l'embargo sur Cuba et, avec l'autorisation de Kennedy, préparent une nouvelle opération.
Dans le même temps, Castro se rapproche de l'URSS qui lui échange du sucre contre des conseillers militaires. En 61, mis en confiance par la facilité avec laquelle Kennedy l'a laissé construire le Mur de Berlin, il n'hésite pas à défier Washington en décidant d'installer des missiles nucléaires à Cuba.
3- La Crise des Fusées :
Le 14 octobre 1962, un avion espion américain (U2) repère des bases de missiles en construction à Cuba. Contre l'avis de ses conseillers, qui prônent le recours à la force,Kennedy opte pour la négociation en décrétant le blocus naval de l'île et le retrait des armes russes. Le 24 octobre, les flottes américaine et russe se font face. Le monde tremble.
Finalement, le 26 octobre, Khrouchtchev cède et négocie le retrait des missiles. En échange Washington s'engage à ne pas envahir Cuba et à retirer certains de ses missiles en Turquie.
4- Le triomphe du dialogue
Kennedy sort de la crise, auréolé d'un nouveau crédit, contrairement à son homologue soviétique qui est évincé du pouvoir en 1964. Les deux Grands qui sont passés tout près de la guerre nucléaire décident d'améliorer la communication (installation du téléphone rouge).
c) La guerre du Vietnam (1962-1965)
1-. Un pays divisé en deux
Le 2 septembre 1945, Hô Chi Minh, le chef de la guérilla communiste du Vietminh, profite de la capitulation du Japon qui occupait l'Indochine pour proclamer l'indépendance de la République démocratique du Vietnam (RDV). La France tente de reprendre le contrôle de sa colonie,provoquant la guerre d'Indochine en décembre 46.
Soucieux de canaliser le développement du communisme dans la zone (victoire des communistes en 49 en Chine et guerre de Corée entre 50 et 53), Washington soutient la France dans le cadre de la stratégie de l'endiguement.Après la défaite de Diên Biên Phu, (mars à mai 54), Paris signe les accords de Genève (21 juillet 54), acceptant l'indépendance du Vietnam, séparé en deux Etats :
- Au Nord du 17e parallèle, la RDV avec pour capitale Hanoï. Dirigé par Hô Chi Minh, il appartient au camp soviétique.
- Au Sud, la République du Vietnam (capitale Saïgon) soutenue par les Etats-Unis.
Le régime autoritaire et corrompu du Sud est combattu par une guérilla, le FNL (Front national de libération), aidé par le Nord-Vietnam. Dans un premier temps, Kennedy se contente d'envoyer des équipements et des conseillers militaires pour encadrer l'armée sud-vietnamienne.
2- L' « Escalade » du conflit
À compter de 1964, le président démocrate Johnson ordonne le bombardement du Nord et engage des troupes. Pour autant, il se refuse à parler de guerre, par crainte des réactions de l'opinion. L'URSS de son côté, se charge d'armer le Nord. En Occident, la guerre du Vietnam est de plus en plus décriée, et dans le monde entier, les manifestations pacifistes se multiplient.
L'offensive du Têt, menée par le FLN, le 31 janvier 1968 avec l'appui du Nord, en dépit de son échec, révèle les faiblesses du Sud-Vietnam.
3- La Vietnamisation du conflit ou « désescalade » (1968-1973)
Nixon (républicain) qui vient d'être élu président en 1968, veut profiter de la Détente pour sortir du conflit, espérant le soutien de la Chine dans les négociations avec le Nord-Vietnam. Il accélère le retrait des troupes américaines et le rééquipement des forces du Sud dans le cadre de la politique de « vietnamisation du conflit » initiée par son prédécesseur. Les accords de Paris, signés le 27 janvier 73 entre les Etats-Unis et la RDV mettent fin au conflit.
Bilan :
Une génération de jeunes marines rentre à la maison traumatisée par la violence des combats dans la jungle, tandis que l'image des Etats-Unis, championne de la démocratie, est ternie (utilisation massive de napalm et d'agent orange). Le conflit, qui a tué 58 000 soldats américains et environ 2 millions de Vietnamiens dont beaucoup de civils, n'a pas réussi à endiguer le communisme, au contraire. Alors que le Vietnam est réunifié sous la domination du Parti communiste vietnamien, en avril 75, les Khmers rouges, soutenus par la Chine, installent au Cambodge voisin un régime particulièrement sanglant (1,4 à 1,7 million de morts sur une population de 7 millions d'habitants).